EVENE - Citation du Jour

lundi 26 janvier 2009

Etat d'exception, ou obsession sécuritaire du néo-libéralisme ?...

Une série d'événements récents a fait des abus d'autorité un problème important pour les démocraties contemporaines. L'interpellation le 11 novembre 2008 d'un groupe de 9 jeunes gens soupçonnés d'avoir provoqué des pannes sur des lignes TGV, s'est accompagnée d'une criminalisation des opinions politiques par le ministère de l'Intérieur.

Les prévenus « étaient suivis par la police en raison de leur appartenance à l'ultra-gauche et à la mouvance anarcho autonome », «ils tiennent des discours très radicaux », «ils participaient de façon régulière à des manifestations politiques », par exemple « aux cortèges contre le fichier Edvige et contre le renforcement des mesures sur l'immigration ». L'arrestation le 28 novembre de l'ancien directeur de la publication du journal Libération, transféré menotté au Palais de Justice, dans le cadre d'une simple procédure de convocation judiciaire, a défrayé la chronique. L’intervention de chiens policiers dans des classes de collège pendant des opérations de contrôle de stupéfiants dans le sud-ouest de la France, dans la semaine du 20 novembre, ont également provoqué des réactions indignées. Le procureur de la république interrogé par la Dépêche du Midi a déclaré : « Les élèves ont peur de ces contrôles, ça crée de la bonne insécurité, satisfaisante à terme en matière de prévention. »…/…

En France comme ailleurs, la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité, de même que le droit des victimes, servent de justification à des politiques liberticides : biométrie, tests ADN dans le cadre du regroupement familial, veille de l'opinion, loi sur la rétention de sûreté, projet sur les hospitalisations d'office. Peut-on parler pour autant d'état d'exception ? Ne s’agit-il pas plus exactement d’un « paradigme » de gouvernement consistant dans le fantasme d'une sécurité totale? « Si l'impératif de sécurité est soustrait au contrôle et au "travail de civilisation" du droit, le suspect devient alors une figure plus importante que le coupable, les logiques de renseignement et de suspicion l'emportent sur les logiques judiciaires (présomption d'innocence, administration de la preuve, garanties procédurales ... ), le risque devient la justification d’une contre violence préventive. »
Au nom de la sécurité, les principes du droit sont, non pas ouvertement violés, mais contournés, sans qu'on puisse parler d'un véritable état d'exception. Les politiques liberticides ne s'arrêteront pas là. Sous l'impulsion du marché comme modèle de société, l'organisation de la sécurité devient une nécessité obsessionnelle, puisque rien ne doit entraver la circulation des marchandises, des fonds et des personnes. La lutte contre la drogue, la criminalisation des résistances, lesquelles ne trouvent actuellement aucun débouché politique, l'extension de la surveillance (d'Internet aux enfants « agités » des crèches), la stigmatisation des classes défavorisées comme classes dangereuses participent de l'établissement d'une société de marché. Moins que d'état d'exception, ce qui est en question, c'est un paradigme social fondé sur la marginalisation du droit, comme expression de l'intérêt général, au profit de la mise en concurrence d'individus atomisés. C'est bien dans ce cadre en effet que les politiques en cours s'inscrivent, comme l'organisation des sociétés selon les principes du néo-libéralisme. …/…

Le néolibéralisme ne saurait entrer frontalement en conflit avec les principes de l'État de droit ; Il a besoin d'approbation, donc de démocratie. Mais d'une démocratie où la propagande, politique, médiatique et publicitaire est la condition de l'ordre et où la surveillance doit permettre de marginaliser les voix et les actions dissidentes…./…

La sécurité publique est aujourd’hui un prétexte plus dangereux que la lutte contre le terrorisme international, parce qu’elle justifie des abus d’autorité plus fréquents, au nom des risques multiples liés à la circulation de l’information et à l’élargissement des échanges économiques…./…

Extraits d’un article de Florent Bussy – Philosophe – paru dans « Le Sarkophage » - 17/01 au 14/03/2009

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